28/02/2007

Loup voit

Par Miss Terre de Paris

« Le pauvre homme ! Je le reconnais bien là. » Louis XIV sourit sous sa poudre de riz. Un courtisan vient de lui glisser à l’oreille un bon mot.

Six pieds sous terre, l’oreille de François Michel Le Tellier de Louvois se met à siffler la Traviata bien avant l’heure. A la cour, on vient de ricaner sur sa mémoire. Les chevilles de Louvois, pourtant bien gonflées de son vivant, se dégonflent en un sinistre « pchiiiit » à en faire pleurer les vers de terre. L’homme a vu trop grand. C’en est ridicule.

Une vingtaine d’années plus tôt, Louvois se voit confier la construction des Invalides, un hospice pour accueillir les soldats mutilés ou retraités qui se sont battus pour la France. Louvois ne tarde pas à s’approprier complètement le bâtiment. Mais comment associer éternellement son nom à l’ouvrage ? Comment graver son nom dans la pierre pour la postérité ? Par un rébus, il fallait y penser.

Dans la cour d’honneur des Invalides s’étale sur l’aile Est une rangée de fenêtres ovales, ornées d’écussons et d’armoiries. Sur le cinquième œil de bœuf en partant de l’église, un loup au sourire narquois toise les visiteurs le nez au ciel. A califourchon sur son œil de bœuf, ce loup voit, et Louvois se félicite de son jeu de mot.

L’histoire le punira de sa fatuité. L’ancien secrétaire d’état à la guerre de Louis XIV ne verra jamais la fin de son « chef d’œuvre ». Une légende veut qu’un jour de juillet 1691, il ait murmuré à l’oreille de Mansart « hâtez-vous, si vous voulez que je vois le dôme achevé ». Mais il meurt le 16 juillet 1691, et le dôme n’est toujours pas achevé. Sa famille obtient qu’il soit enterré dans la crypte des Invalides. Mais ne voyant toujours pas son mausolée construit huit ans plus tard, elle transfert le bougre au couvent des capucines de la rue Saint-Honoré. Entre temps, Louis XIV l’avait tout de même disgracié. Et voilou !

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