17/02/2007

Fort Chabrol

Par Mister de Paris

Un journaliste couvrant l’actualité d’un immeuble entouré par les forces de l’ordre parce qu’un forcené s’y retranche, finira toujours par qualifier cela de Fort Chabrol. Cette expression est née à Paris en août 1899. Jules Guérin, directeur du torchon, l’Antijuif, se barricade dans le siège du Grand Occident de France, sis, 51, rue de Chabrol dans le Xème arrondissement. Cette organisation antisémite et antimaçonnique se distingue pour sa virulence dans l’Affaire Dreyfus et sa participation à une tentative de coup d’état monarchiste. Guérin tient, avec une douzaine de ses allumés, un siège mémorable. 38 jours durant, la police encercle l’immeuble tandis que les sympathisants d’extrême droite ravitaillent les forcenés par les toits ou les encouragent à haute voix depuis la rue ou les fenêtres alentours. Grotesque.

L’assaut ne sera pas donné, la République est bonne fille. Guérin et sa bande se rendront le 9 septembre, anéantis par l’annonce de la grâce présidentielle accordée à Alfred Dreyfus par Emile Loubet. Aujourd’hui, l’immeuble accueille au rez de chaussée de quoi tenir un siège : une supérette de quartier. Dans les étages, des sociétés de productions de cinéma et d’artistes travaillent, des concertistes répètent, de jeunes talents se font auditionner. Oublié le rocambolesque fait divers de la République contre l’extrême droite. Il est vrai qu’il n’y a aucune plaque commémorative sur cette façade aussi décrépite et triste que les idées qu’elle abrita un temps. Et c’est tant mieux. Je quitte la rue de Chabrol, patine rue La Fayette. Quelques centaines de mètres plus loin, je souris au 9 de la rue Cadet, siège du Grand Orient de France. L’entre-deux siècles dans ce quartier était chaud chaud.

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