12/02/2007

L’oeil de l’Empereur

Par Mister de Paris

Aujourd’hui, je grimpe, traverse les hauts de l’Hôtel des Invalides, sors au vent triste et froid de Paris, découvre les toits galbés, plombés, graffités au canif, il y a 64 ans ; traces dérisoires de quelques pilotes anglais planqués là, en attente de liberté. Je déchiffre : “…RAF - visited here 1943 escaping to England…”.

Mais je ne suis pas là pour ça. Je grimpe encore, jusqu’au balcon circulaire de l’église du Dôme des Invalides, ingénieux trompe l’oeil, inconnu du public.

Et là je plonge, 80 mètres plus bas, je plonge mon regard dans l’iris impériale à la pupille de porphyre : Napoléon en son tombeau de pierre pourpre. Napoléon, sauveur de la Révolution française pour certains, Nabot a peur pour ses détracteurs (anagramme de Buonaparte).

Quoi qu’il en soit, il est là, en relique obligée de la France éternelle, en obligation touristique. Il est là, momifié dans son uniforme vert de chasseur de la Garde. Il est là encarcané dans six cercueils, sept avec le porphyre massif de Visconti : chêne, ébène, plomb, plomb, acajou et fer blanc. Napoléon en ultime poupée russe. Ironie. Deux urnes sont à ses pieds, aux entrailles pleines de cœur et de tripes impériales asséchés. Commune chair a canon, comme celle qu’il fit trop se répandre au gré de sanglantes victoires et de défaites aussi. Près de ces reliques est un étrange viatique : menues pièces et couvert dressé. En cas de petite faim ? Sa fin le fut, petite. Chêne, ébène, plomb, plomb, acajou et fer blanc. Que de protections, sept enveloppes, étrange symbolique, funeste alchimie. Que craignait donc l’Empereur des français ?

Victor Hugo s’accoude près de moi, à la balustre du trompe l’œil, Légende des siècles en mains. Il cherche La conscience, fronce les soucis, s’éclaircit la voix puis me souffle : …Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. Voici, Mister de Paris, ce que craignait peut-êt
re, Napoléon le Petit : le jugement dernier de l’assassin premier.

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