13/01/2007

Ci gît Philibert Aspairt…

Par Mister de Paris

Pauvre Philibert, mais que diable allait-il faire dans cette carrière ?… Un jour de 1804, un ouvrier d’une brigade topographique retrouve, là, tout mort, tout prostré, tout en chien de fusil, tout en os et vêtements rongés, ce pauvre Philibert. Sa ceinture de cuir et son trousseau de clés permettent rapidement de l’identifier.

Pauvre Philibert Aspairt, mais que diable allait-il faire dans cette carrière ? Porté disparu en 1794, sous la Terreur, le voici, onze ans plus tard fasseyant à la flamme d’un ouvrier effrayé. Philibert Aspairt, portier de son état, portier du Val de Grâce, s’il vous plaît ! Quelle mouche l’a t-elle piquée, pour se risquer ainsi, au bas de cet escalier du XVIIème menant aux souterrains, à la seule lumière économe d’une torche? Quelle folie l’a t’elle convaincue de s’aventurer plus loin dans le dédale des galeries minant le sous sol du couvent des Chartreux ?

L’appât du gain ? Il est vrai que sous la Terreur, quelques pillards et malandrins erraient sous Paris en quête de trésor d’église à prendre par la racine. L’appât du vin ? Peut-être tant il est vrai que celui des Chartreux n’était pas parmi les plus mauvais. On ne saura jamais.

Mais ce que l’on peut imaginer c’est la fin de ce pauvre Philibert, lente, effrayante, inéluctable. La torche qui s’éteint, les tâtonnements sur les parois humides, à genoux dans l’argile blanche avec les doigts caressant ce qu’il espère être ses propres pas, ceux de tout à l’heure quand vacillait encore la lumière. Les appels aussi, restant sourds, définitivement sourds aux murs du labyrinthe. Et puis l’attente, l’oreille tendue, la peur aussi, au fil des rats, l’eau que l’on boit en ultime espérance, la faim qui taraude et met en appétit ; les rats. Quelques cris encore, quelques gémissements, quelques jours encore et plus rien. Dans la niche où fut retrouvé Philibert résigné, on a construit un tombeau incongru, massif et lourd. Hommage à cet égaré qui, consciencieux, jamais n’abandonna les clés de son métier…

En tout cas, cher Philibert, parmi les six millions de macchabées que comptent, au bas mot les catacombes de Paris, tu peux te targuer d’être le seul à avoir quelques bougies, parfois allumées aux coins de ton cénotaphe, quelques fleurs en plastique moisies, aussi. Et même les restes rouillés d’une chaise pliante. Celle d’un veilleur de nuit ? Pour toi le portier ?

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