28/02/2007

Loup voit

Par Miss Terre de Paris

« Le pauvre homme ! Je le reconnais bien là. » Louis XIV sourit sous sa poudre de riz. Un courtisan vient de lui glisser à l’oreille un bon mot.

Six pieds sous terre, l’oreille de François Michel Le Tellier de Louvois se met à siffler la Traviata bien avant l’heure. A la cour, on vient de ricaner sur sa mémoire. Les chevilles de Louvois, pourtant bien gonflées de son vivant, se dégonflent en un sinistre « pchiiiit » à en faire pleurer les vers de terre. L’homme a vu trop grand. C’en est ridicule.

Une vingtaine d’années plus tôt, Louvois se voit confier la construction des Invalides, un hospice pour accueillir les soldats mutilés ou retraités qui se sont battus pour la France. Louvois ne tarde pas à s’approprier complètement le bâtiment. Mais comment associer éternellement son nom à l’ouvrage ? Comment graver son nom dans la pierre pour la postérité ? Par un rébus, il fallait y penser.

Dans la cour d’honneur des Invalides s’étale sur l’aile Est une rangée de fenêtres ovales, ornées d’écussons et d’armoiries. Sur le cinquième œil de bœuf en partant de l’église, un loup au sourire narquois toise les visiteurs le nez au ciel. A califourchon sur son œil de bœuf, ce loup voit, et Louvois se félicite de son jeu de mot.

L’histoire le punira de sa fatuité. L’ancien secrétaire d’état à la guerre de Louis XIV ne verra jamais la fin de son « chef d’œuvre ». Une légende veut qu’un jour de juillet 1691, il ait murmuré à l’oreille de Mansart « hâtez-vous, si vous voulez que je vois le dôme achevé ». Mais il meurt le 16 juillet 1691, et le dôme n’est toujours pas achevé. Sa famille obtient qu’il soit enterré dans la crypte des Invalides. Mais ne voyant toujours pas son mausolée construit huit ans plus tard, elle transfert le bougre au couvent des capucines de la rue Saint-Honoré. Entre temps, Louis XIV l’avait tout de même disgracié. Et voilou !

27/02/2007

Le président assassiné

Par Mister de Paris

Gérard Alaux, m’accueille dans son bureau au 11 de la rue Berryer, dans l’hôtel particulier Salomon de Rothschild. Il y dirige la Fondation Nationale des Art Graphiques et Plastique (FNAGP ) installée ici. Je ne viens pas pour lui parler d’art, pas cette fois en tout cas… Je m’intéresse à cette vitre brisée, abandonnée, oubliée de tous, encombrant l’entrée sombre de la rotonde du jardin des Rothschild. D’aucun y verrait de l’art, qui sait… Je viens pour un fait divers vieux de 75 ans… C’est l’âge du président qui m’y fit repenser. L’année où naquit Jacques Chirac était assassiné le locataire de l’Elysée. La troisième République arrivait à bout de souffle.

6 mai 1932, 14.45 : Cinq coups de feu claquent, alors que Paul Doumer fait honneur de sa présence à la foire aux livres organisée par les écrivains, vétérans de 14-18, au profit de leurs camarades nécessiteux. Le président de la République porte la main à son cou, puis s’écroule.

Pavel Gorguloff, mauvais médecin, piètre écrivain, grand délirant anti bolchevik vient de passer à l’acte. Il a tiré à bout portant, visant la tête du président qui s’approchait de Claude Farrères en pleine dédicace de La Bataille. Evacué en catastrophe, Paul Doumer meurt le lendemain à l’hôpital Beaujon, à deux pas d’ici.

La mémoire de cet assassinat ne se lit plus aujourd’hui que dans la vitre conservée, on ne sait plus trop par qui, stigmatisée d’une balle perdue, calibre 7.65.

Pauvre Doumer, triste Doumer, surnommé le Quadruple crêpe à l’Élysée en référence à ses quatre fils, morts dans les tranchées, la tragédie de sa vie. Pauvre Doumer, originaire d’Aurillac, Montmartrois d’adoption, ouvrier, radical intransigeant, franc-maçon, anticlérical mais passé en un lent retournement de redingote au camp de ceux qu’il combattait : les conservateurs, la droite. Pauvre Doumer, 13ème Président de la République, élu le 13 mai 1931 et qui fit tant parler, après sa mort, chez les superstitieux.

Gorguloff alias Paul Brède (Bred en russe signifie Délire), vient, selon lui, de faire payer à la France son alliance avec le diable, les bolchevik. Son avocat plaide la folie. La preuve : mon client est syphilitique. Mais l’accusateur public sait convaincre, sans peine, les jurés. Gorguloff, le russe blanc exhorte : Il faut me tuer comme soldat, par fusil, au champ d’honneur. Je vous ferais le salut militaire ! Sa grosse tête tombe, 50 jours plus tard, boulevard Arago, à 05.52 du matin. Une tête mal taillée confiera l’aide bourreau à son chef, Deibler, patron à vie de la Veuve.

26/02/2007

Olympiade

Par Miss Terre de Paris

Si le métro était un homme, il aurait un arrière arrière arrière grand-père : le cagnard de Châtelet, sur la ligne 7. Il aurait également un petit petit petit-fils : la station Olympiade, sur la ligne 14. Cinq siècles séparent les deux ouvrages. L’un est le plus vieux, l’autre est le plus jeune… Mieux, il n’est pas encore né. Il dort encore sous ses toiles en plastique.

A sa naissance, la station sera donc baptisée Olympiade. Un nom qui fera sourire certains, et en rendra nostalgiques d’autres. Non, nous n’avons pas eu les jeux olympiques pour 2012, mais qu’importe. La naissance d’Olympiade est prévue pour juin 2007. Du moins, si tout va bien.

La station Olympiade en gestation reprend, en ébauche, le design de la ligne au rond violet. C’est sa mère toute crachée ! Dans le ventre rond de la ligne 14, toujours la même odeur particulière, facilement reconnaissable. Une odeur un peu désagréable d’œuf pourri, mais bien plus présente à Madeleine et à Pyramide. Dommage pour une si moderne réalisation. La raison ? La présence de souffre dans les couches qui environnent les tunnels de la ligne 14, principalement creusés sous la nappe phréatique.

En tous cas, le bébé est bien gardé. Pour le quitter, les obstétriciens improvisés doivent reprendre la ligne 8, connectée à la ligne 14. Mais une grille leur barre le chemin. Seuls les employés de la ligne 14 peuvent leur ouvrir. C’est la seule à être ainsi coupée du reste du réseau. Là où il y a une grille sur la 14, un simple feu vert suffit ailleurs.

Sous terre, il y a ainsi deux mondes qui s’opposent et ne se comprennent pas. Un monde de costumes cravates contre un monde de jeans au cambouis. Les arrière arrière arrière grand-pères et les petit petit petit-fils.

24/02/2007

“On n’aime pas les anglais”…

Par Mister de Paris

Boulevard Pasteur, au 18, Le bistrot, Au Métro, est ce soir irlandais et gallois. Sus aux anglais ! Ils sont là, les supporters gaéliques de la capitale pour suivre Angleterre – Irlande, match de rugby du Tournoi des 6 Nations. Chauffer à blanc à la bière blonde, tous se lâchent. Il est vrai que le match qui se joue au stade de Croke Park à Dublin est une première et ramène l’Irlande et l’Angleterre face à leurs vieux démons. L’ambiance est sympa, bruyante. Détonnante au score final : 43 à 13 pour l’Irlande. Une belle branlée comme on dit dans le midi. Un supporter, avant de gueuler sa joie rappelle :

Croke Park, fut le théâtre d’une tragédie en 1920.

23/02/2007

Debout l’honneur, citoyens !


Par Mister et Miss Terre de Paris

Défendre des causes, c’est bien. Il faut s’engager, contester et douter. Se gaffer de l’ordre établi, se gaffer, aussi des faisandeurs d’opinion. Tout ceci est très bien. Défendre les droits de l’homme, lutter contre la peine de mort, s’insurger contre le mutisme quasi général de la presse sur le Darfour, etc, bref, s’indigner. On a suivi y’a pas longtemps, le Collectif des Déboulonneurs, une cause sympathique, une cause du coin de la rue, certes différentes de celles énoncées plus haut. Les activistes, à défaut de déboulonner les idoles, jouent la contestation du trop plein de pub dans l’espace quotidien. Pourquoi pas. Ca ne fait pas de mal et c’est amusant. C’est rebelle, mais pas trop, radical sans l’être. Les CRS jouent aux CRS avec conviction et bonne humeur (trop heureux de ne pas être dans le neuf trois), les déboulonneurs, eux, se convainquent de chienlit pendant les 10 minutes que vont durer leur action. Les passants s’inquiètent ou rigolent, puis tout le monde rentre chez soi car il fait encore frisquet. Interpellation de trois ou quatre militants. Circulez, y’a rien à voir. Ha si, la pub.

PS : La prochaine action parisienne aura lieu le samedi 24 février 2007, à 14h30 précises. Rendez-vous : Quai de Jemmapes, au croisement avec la rue Alibert, 10è arrondt. (M° République ou Jacques Bonsergent).

22/02/2007

A bord des Invalides

Par Miss Terre de Paris

Les nuages sont des vagues. Le bleu du ciel est le bleu de l’eau. Il est interdit de fumer à bord. Napoléon est le capitaine du navire. Son bateau a été baptisé « Les Invalides », et nous voguons à son bord dans le 7ème arrondissement de Paris, la tête en bas et la coque renversée. Où allons-nous ? Là où les nuages voudront bien nous emmener. A bâbord, la tour Eiffel. A tribord, Notre dame de Paris. Et en attendant d’accoster, prenons garde de ne pas avoir le mal de terre (le vertige), car le roulis du vent pourrait bien nous incommoder.

Jules Hardouin-Mansart est l’architecte du bâtiment, le petit neveu de François. La charpente du navire sert de toit à la nef de l’église des Invalides. Les poutres, couleur caramel, s’entrelacent, géométriques ; comme si le pantin d’une gigantesque araignée avait tissé là une toile en bois. Des angles, des lignes, des triangles isocèles : une forêt entière de chênes s’est organisée là, comme de la paille de fer sur un aimant. Partout, cette odeur de grenier, de sciure mélangée à la poussière des années. Sur les côtés, les voûtes se dessinent le long du mur, tout en courbes, comme le roucoulement des pigeons qui ont nidifié derrière les ardoises. En soulevant un petit carré de bois découpé dans le sol, et en glissant un œil par le trou, on aperçoit des dizaines de mètres plus bas l’autel de la chapelle Saint-Louis des Invalides. Mille sabords ! Je ferais bien une petite blague à un touriste ! Hélas, il est déjà temps de lever l’ancre : nous avons le vent en poupe.

21/02/2007

Paris tranquille

Par Mister de Paris

Je suis monté sur un toit, tout à l’heure. C’était passage d’Enfer. Je suis monté parce qu’il faisait printemps, enfin presque. Le calme était radieux, presque chaud. C’est beau les toits de Paris, même les pas bien hauts. J’y suis monté juste pour fredonner. Comme ça, une envie. Je chantais pas fort, presque dans ma tête, pour ne pas déranger :

A Paris / Quand un amour fleurit / Ça fait pendant des semaines / Deux cœurs qui se sourient /Tout ça parce qu’ils s’aiment / A Paris Au printemps / Sur les toits les girouettes / Tournent et font les coquettes Avec le premier vent / Qui passe indifférent / Nonchalant

20/02/2007

L’île de la tentation


Par Miss Terre et Mister de Paris

Il y a deux manières de voyager. La première consiste à prendre l’avion, aller loin, se décaler les horloges, subir les moustiques, clubmédiser (ou méduser) sur une plage, se graisser le cuir d’huiles anti uv (il faut bien payer son billet d’avion par un trou dans la couche d’ozone) et participer à un jeu con(cours).

La deuxième consiste à monter dans une 2cv , se laisser guider par un charmant chauffeur et ouvrir deux grands yeux attendris devant notre patrimoine historique, celui de notre Paris le plus vieux.

L’île Saint-Louis, l’île de la Cité… Laissez-vous tenter.

19/02/2007

Le “gamin” de Joseph Kessel

Par Mister de Paris

Hubert Bouccara est bouquiniste, un vrai, un qui pendant 25 ans a bouffé du gasoil sur les quais de Seine. Il s’est, depuis, mis au vert, rue Campagne Première, au calme, du côté du Montparnasse, le vrai, celui des parnassiens. Sa boutique de livres anciens est vert foncé comme les caissons des quais de Seine, des bouquinistes, des vrais, des bouffeurs de gasoil. Hubert cigarillotte, chine et vend sur internet, jour après jour. Il règle en ce moment le compte à un mauvais payeur qui serait le frère d’un célèbre chanteur engagé : « Monsieur S., après avoir été longtemps un habitué de la rue en est maintenant la risée ! » Passons… Hubert est aussi l’un des personnages de L’Empire de la morale de son pote Christophe Donner, Prix de Flore 2001.

Mais Hubert a un secret, un vrai mais pas si bien gardé. Il le partage volontiers : Kessel, Joseph, l’appelait le « gamin ». Le Lion était son ami et lui offrit pour ses 22 ans le manuscrit de « La Rose de Java ». Le « gamin » en fit trente ans plus tard le nom de son échoppe vert foncé, modeste mais sincère hommage à son héros. Hubert Bouccara, l’ingénieur en électronique devenu bouquiniste par passion des vieux livres garde, à 54 piges, toujours près de lui le manuscrit de Kessel achevé à Paris, le 31 janvier 1937.

Le gamin de Joseph Kessel


Sa boutique recèle d’autres trésors comme cet exemplaire dédicacé : Mon cher Jean, voici une curieuse histoire. Je t’embrasse. Jef. Jean est Mermoz et Jef est Kessel. Le livre en question, « Stavisky ».

Mais il n’est pas à vendre. Enfin, vous pourrez toujours essayer de convaincre “gamin” Hubert.

17/02/2007

Fort Chabrol

Par Mister de Paris

Un journaliste couvrant l’actualité d’un immeuble entouré par les forces de l’ordre parce qu’un forcené s’y retranche, finira toujours par qualifier cela de Fort Chabrol. Cette expression est née à Paris en août 1899. Jules Guérin, directeur du torchon, l’Antijuif, se barricade dans le siège du Grand Occident de France, sis, 51, rue de Chabrol dans le Xème arrondissement. Cette organisation antisémite et antimaçonnique se distingue pour sa virulence dans l’Affaire Dreyfus et sa participation à une tentative de coup d’état monarchiste. Guérin tient, avec une douzaine de ses allumés, un siège mémorable. 38 jours durant, la police encercle l’immeuble tandis que les sympathisants d’extrême droite ravitaillent les forcenés par les toits ou les encouragent à haute voix depuis la rue ou les fenêtres alentours. Grotesque.

L’assaut ne sera pas donné, la République est bonne fille. Guérin et sa bande se rendront le 9 septembre, anéantis par l’annonce de la grâce présidentielle accordée à Alfred Dreyfus par Emile Loubet. Aujourd’hui, l’immeuble accueille au rez de chaussée de quoi tenir un siège : une supérette de quartier. Dans les étages, des sociétés de productions de cinéma et d’artistes travaillent, des concertistes répètent, de jeunes talents se font auditionner. Oublié le rocambolesque fait divers de la République contre l’extrême droite. Il est vrai qu’il n’y a aucune plaque commémorative sur cette façade aussi décrépite et triste que les idées qu’elle abrita un temps. Et c’est tant mieux. Je quitte la rue de Chabrol, patine rue La Fayette. Quelques centaines de mètres plus loin, je souris au 9 de la rue Cadet, siège du Grand Orient de France. L’entre-deux siècles dans ce quartier était chaud chaud.

16/02/2007

Vous fûtes ici

Par Mister de Paris

Vous fûtes ici. Certes je vous parle d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître. Mais vous, les anciens, vous fûtes ici ; en provincial égaré et tout inquiet, perdu dans le métro. Ou alors vous, qui n’aviez pas de journal à lire dans la cohue et passiez le temps, yeux en l’air. Ou vous encore, qui, bourré, peiniez à déchiffrer ce peigne à dents rouge du Paris souterrain. Vous encore, le toqué occupé à apprendre par cœur lignes et stations. Vous aussi l’occupant allemand ou vous le libérateur yankee découvrant le français. Vous encore, jeune fille, inquiète d’arriver à un premier rendez-vous. Vous tous, vous les inconnus, vous les avez connus ces curieux et incompréhensibles plans de tôle émaillée, ceux des Sprague.

Et puis, il y avait vous, Yves . Vous la chantiez si bien, la ligne.

A écouter : http://a1692.g.akamai.net/f/1692/2042/7d/pariscroquenote.blog.lemonde.fr/files/2007/02/yves-montand-des-je-taime.1171588190.mp3

( “Des je t’aime” - paroles: Paul Eluard. Musique: Philippe Gérard. Interprète : Yves Montand - 1969)

15/02/2007

Massacre à la pelleteuse

Par Miss Terre de Paris

La pelleteuse n’a pas de cœur. Ca se saurait. A la place, elle a des dents. Et une, et deux, et une, et deux. Elle roule des mécaniques, fière. Les Gaspards vous le diraient : c’est une plaie, un fléau.

Paris en porte les stigmates. Ca et là, dans les rues, on aperçoit de ces cicatrices qui se sont mal refermées. La place des fêtes ne s’en est jamais vraiment remise. Elle dresse ses maigres silhouettes, le teint gris, la gueule de bois en souvenir de son nom qui n’a plus de sens. Mais que voulez-vous, il faut loger un maximum de monde, dans un minimum d’espace. Détruisez donc ! Le ministère des travaux publics cautérisera tant bien que mal.

Aujourd’hui, dans les rues, on voit de ces façades aveugles, les yeux crevés. Les cheminées dessinent sur leurs briques sales comme des traînées rougeâtres de sang, en mémoire du massacre. C’était donc si vilain, Paris avant 1973 ?

Alors je me console, en me repassant pour la énième fois les Gaspards.

14/02/2007

Montparglace


Par Mister et Miss Terre de Paris

Ils glissent jusqu’au 4 mars, le Team Cité Glace de Montparnasse. Des brise-glace, des jeun’s de la fameuse banlieue du neuf trois. Que du bonheur. Voyez plutôt… (Si Internet explorer, Cliquez sur View Google Full screen, sinon ça marche pas… Mystère…)

13/02/2007

Jambon beurre

Par Miss terre de Paris

La putain peut se vanter de faire le plus vieux métier du monde. Sans doute que, dans les temps reculés où elle s’essayait, encore novice, à l’art de la simulation, quand elle saluait Saint-Denis au passage et que le saint homme, la tête si bien placée, reluquait une dernière fois les guibolles poilues des belles impudiques, sans doute, disais-je donc, que quand son quatre heures avait sonné, celui du matin, entre le client bituré et l’insomniaque à bobonne, elle croquait déjà dans les mythiques tranches de pain, la spécialité parisienne, le bien nommé jambon-beurre . Certes qu’en ces temps là, le pain devait être bien noir, et le jambon blanc, sec. Rien à voir avec cette baguette croustillante de la croûte, moelleuse de la mie, fondante dans le beurre et grasse dans l’entre-deux, de nos jours heureux.

Coincé entre l’œuf du comptoir et la 33 export-import (je ne sais), le jambon-beurre a régalé tant d’ouvriers aux coudes enzingués, tant d’hommes d’affaires pressés, tant d’estudiantins fauchés, tant de pique-niqueurs ensoleillés. Le jambon-beurre, dans toutes les classes, dans tous les lieux, aura fait l’unanimité. Qui avait réussi un tel exploit, si ce n’est la télé ?

Malmené dans ses triangles en plastiques, entre pain de mie et mayonnaise industrielle, il devient mou comme une chique. Rassi dans les échoppes ambulantes, il pue la frite et le hamburger. Encouetté dans les sachets plastiques de l’unef, (les adhérents avaient droit à une réduction sur le sandwich du midi. C’est déjà bien joli la politique chez les étudiants), il s’avale tout rond, tout debout, pour faire passer le goût.

Certains boulangers facétieux, le parent d’une petite feuille de salade. D’autres saupoudre son pain de pavots ou de graines de sésame. Aux crudités, dans un viennois, dans un suédois…

Stop !!!

Prenez une baguette cuite sur pierre, mais pas trop cuite. Coupez la baguette en deux, puis percez la croûte et tranchez la mie sur la longueur. Séparez les deux bords de la baguette. Avec un petit couteau plat, grattez une bonne dose de beurre, salé ou non, selon les goûts. J’aurais ici, une préférence pour le beurre doux. Tartinez également la mie sur un seul côté. Glisser délicatement dans la fente une tranche de jambon découenné et cuit au torchon. Observez l’étrange silhouette de la tour Eiffel. Mordez.

12/02/2007

L’oeil de l’Empereur

Par Mister de Paris

Aujourd’hui, je grimpe, traverse les hauts de l’Hôtel des Invalides, sors au vent triste et froid de Paris, découvre les toits galbés, plombés, graffités au canif, il y a 64 ans ; traces dérisoires de quelques pilotes anglais planqués là, en attente de liberté. Je déchiffre : “…RAF - visited here 1943 escaping to England…”.

Mais je ne suis pas là pour ça. Je grimpe encore, jusqu’au balcon circulaire de l’église du Dôme des Invalides, ingénieux trompe l’oeil, inconnu du public.

Et là je plonge, 80 mètres plus bas, je plonge mon regard dans l’iris impériale à la pupille de porphyre : Napoléon en son tombeau de pierre pourpre. Napoléon, sauveur de la Révolution française pour certains, Nabot a peur pour ses détracteurs (anagramme de Buonaparte).

Quoi qu’il en soit, il est là, en relique obligée de la France éternelle, en obligation touristique. Il est là, momifié dans son uniforme vert de chasseur de la Garde. Il est là encarcané dans six cercueils, sept avec le porphyre massif de Visconti : chêne, ébène, plomb, plomb, acajou et fer blanc. Napoléon en ultime poupée russe. Ironie. Deux urnes sont à ses pieds, aux entrailles pleines de cœur et de tripes impériales asséchés. Commune chair a canon, comme celle qu’il fit trop se répandre au gré de sanglantes victoires et de défaites aussi. Près de ces reliques est un étrange viatique : menues pièces et couvert dressé. En cas de petite faim ? Sa fin le fut, petite. Chêne, ébène, plomb, plomb, acajou et fer blanc. Que de protections, sept enveloppes, étrange symbolique, funeste alchimie. Que craignait donc l’Empereur des français ?

Victor Hugo s’accoude près de moi, à la balustre du trompe l’œil, Légende des siècles en mains. Il cherche La conscience, fronce les soucis, s’éclaircit la voix puis me souffle : …Quand il se fut assis sur sa chaise dans l’ombre
Et qu’on eut sur son front fermé le souterrain,
L’œil était dans la tombe et regardait Caïn. Voici, Mister de Paris, ce que craignait peut-êt
re, Napoléon le Petit : le jugement dernier de l’assassin premier.

10/02/2007

Le théâtre de verre

Par Miss Terre de Paris

Un conseil, prenez un pull. Même deux, et des grosses moufles aussi, si possible.

Sous les toits ondulés d’un ancien hangar de la SNCF, larvent quelques fêtards avachis dans des canapés au tissu râpé et râpeux. A ma gauche, une balance encore en état de marche me reproche de son aiguille menaçante les frasques de la veille. Je préfère donc regarder du côté de la scène où bavouille un joueur de didgeridoo. Un joyeux soûlard s’abat sur mes genoux avant de reprendre sa danse aux côtés d’un enfant. Sans rancune.

Ce curieux endroit, c’est le théâtre de verre. Un « squat » comme on appelle ça. Sauf que depuis quelques années, et depuis les fameux ateliers de la rue de Rivoli, les squats ne sont plus tous ce qu’ils étaient : des habitations où s’entassent des dizaines de pauvres gens, désirés ou non, soutenus ou non, là n’est pas la question. Les squats donc, sont devenus pour pas mal d’entres eux, des lieux culturels où théâtre, musique, peinture, sculpture se côtoient, se mélangent et s’offrent, tout bruts, tout francs, tout nus, au public. A lui de faire son choix. Moi, j’ai apprécié les encres de chine de Cécile Carrière.

Le 25-27 rue de l’échiquier n’est ouvert que le dimanche. De 13h à pas d’heure, Meji from Argentine grillent ses viandes et mitonnent ses spécialités. Le vin chaud est un passage quasi obligé pour quiconque voudrait nourrir et son estomac, et ses oreilles sans bleuir des doigts et du bout du nez. Après tout, le froid reste un bon prétexte. D’ailleurs, demain, il y aura :

Géraldine (chanson à texte) à 15h

Djinn-ly (reggae) à 15h45

Les mains sales (chanson à texte) à 16h30

Yanomanis (salsa) à 17h30

Et le quartet du tdv à 18h30

Pourvu que ça dure.

Théâtre de verre

25-27 rue de l’Echiquier

75010 Paris

M° Strasbourg Saint-Denis

site: theatredeverre.org

mail: theatredeverre@hotmail.fr

09/02/2007

Mamzelle Manga

Par Mister de Paris

J’ai cru un instant que pour divertir les parlementaires, le président Poncelet avait habilement caché, dans les jardins du Sénat (dits du Luxembourg), de jolies poupées ; un peu comme les œufs à Pâques après le passage des cloches. Déception. Il s’agit en fait d’une séance photo. Celle de nymphes en plastique, résine, genre manga mais made in China, sortes de Mylène Farmer à faire soi-même, à voir chez soi, qui arrivent en France chauves et nues (sûrement par cargo). Elles sont ensuite customisées pour devenir pièces uniques selon le souhait des acheteurs. La traite des lilliputiennes polymères est un business original qui pour Anne, rencontrée dans les Jardins du Luxembourg assure que « ces poupées mannequins répondent à une vraie demande, s’adressent surtout aux filles, ou plutôt aux jeunes femmes, plus rarement aux garçons, quoique »…

C’est sûr qu’elles sont plus sexy que les insupportables poupées d’antan, genre fond de terroir en costume, qui s’emmerdaient sur le buffet formica dans leurs abominables cylindres transparents en rhodoïd. Il était bien évidemment interdit de tripoter la bigoudaine et encore moins de désaper la toulousaine (soupirs). Certes elles n’étaient pas chères. Mamzelle Manga, elle, prend 500 euros pour être nue et beaucoup plus pour devenir gothique, grungie ou je ne sais quelle autre tendance. On peut se les procurer sur ce forum.

Ho, mais je vais devoir interrompre ce passionnant récit car une meute de sénateurs particulièrement excités se ruent vers nous tout salivant. Calmez-vous, messieurs, calmez-vous je vous en conjure, ce ne sont que des poupées !

08/02/2007

Louis XIII dans le métro

Par miss Terre de Paris

Pickpocket, mendiants, voleurs, détrousseurs, chapardeurs, emmerdeurs, voyeurs : beaucoup n’aiment et n’aimeront jamais le métro pour la faune qu’on y côtoie. Les parisiens s’en passeraient bien. D’autres y trouvent sujet de conversation, d’indignation, d’inspiration. D’autres encore en font leur beurre, alourdissent les balances électorales du côté qui les enchante. Enfin, il y a moi, et quelques d’autres, qui vous diront que cela ne date pas d’hier, et qu’il n’y a rien de nouveau sous les étoiles des tunnels de Paris.

Les voyous, voilà quatre siècles qu’ils polluent le métro. Comment cela le métro n’existait pas au 17 ème siècle ? Mais vous avez raison, et je ne vous dirais pas le contraire. Pourtant, je peux vous assurer que l’ouvrage le plus vieux du métro date, non pas de 1898, année qui a connu les premiers travaux de la ligne 1, mais bien du temps de Louis XIII. Nous sommes sur le quai de la Station Châtelet-Pont au change, sur la ligne 7. Une rame est à quai, charge ses passagers. L’alarme retentit, puis les portes se claquent. Les rames s’ébranlent avant de s’engouffrer dans le tunnel. Mais à cet endroit-ci, en direction de Mairie d’Ivry-Villejuif, la voûte est plus large. Pourquoi ?

Nous sommes en 1642. Louis XIII cède au marquis de Gesvres des terrains entre les rues Saint-Martin et la place du Châtelet. Le marquis bâtit un quai, qu’il fait reposer sur une suite d’arcades. La faune du Paris d’alors, qui désire respirer une autre atmosphère que celle de la cour des miracles, trouve dans ces boyaux creusés sous les quais des antres de choix. Ce n’est qu’en 1860 que les arcades furent bouchées. Des voyous, on n’en parla plus. Pour le moment.

Quand les travaux de prolongement de la ligne 7 débutèrent, les ouvrières tombèrent sur l’ancienne réalisation du marquis, toutes encombrées (les réalisations) de tuyaux, de conduits d’égouts ou de gravats. Ce n’est pas la paresse mais bien la raison qui les poussa à utiliser l’ouvrage d’origine comme voûte à leur construction. Le 16 avril 1926, après le prolongement de la ligne 7 au sud, les usagers purent enfin admirer les vestiges de ce que l’on nommait « cagnards » (voûte à l’avant d’un port). Mais bien peu y firent attention.

07/02/2007

La Convention de Paris

Par Mister et Miss Terre de Paris

Voilà, elle a été signée hier la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Elle est signée, et à Paris. La capitale peut aujourd’hui résolument se revendiquer comme celle de la patrie des droits de l’homme. En 1979, sur toile de fond de dictature argentine et de la disparition forcée de milliers de personnes, la France proposait une résolution devant l’Assemblée générale des Nations unies. Après 26 ans de négociations, Marta Ocampo de Vasquez, est heureuse. La présidente charismatique des Mères de la Place de mai, a gagné. Une victoire aussi pour Louise Arbour, la Haute Commissaire aux Droits de l’homme des Nations unies et Jakob Kellenberger, le président du CICR. Oubliées les années noires de la dictature argentine. La convention signée, hier, au quai d’Orsay, résonne comme un appel pressant aux Etats-Unis puisque la guerre globale contre le terrorisme intègre de facto dans sa doctrine les disparitions forcées. Guantanamo est un bon exemple… Désormais, toute personne doit pouvoir savoir ce qu’est devenu l’un de ses proches disparus. A ceux qui le détiennent de se conformer à ce que dit le droit. Philippe Douste Blazy a même mis de la vigueur dans son propos : Désormais criminalisée et dans certaines circonstances caractérisées comme crime contre l’humanité, la disparition forcée sera passible des peines les plus lourdes prévues par la loi. Aucune dérogation, aucune exception, même en temps de guerre, ne pourront exonérer ses auteurs de leurs responsabilités.

Pour Elena Alfaro, 54 ans, rescapée des geôles secrètes argentines et récemment décorée par la France de la Légion d’honneur, la signature de cette Convention est une étape cruciale mais le combat pour la dignité humaine et le droit de savoir des familles continue.

Pour Paris Croque Note, son interview ici :