31/01/2007

Pour se venger d’une carotte…

…et de bien d’autres choses.

Par miss Terre de Paris

Il en a chié toute sa vie, Auguste Comte. Et maintenant qu’il est mort, les pigeons continuent à lui chier dessus. Place de la Sorbonne , les chiures des bestioles et les coulures de bronze lui ont gravé un masque de larmes, lui ont balafré les joues de rivières noires. De son regard triste, il fixe le bar tabac d’en face. Ses yeux évitent de croiser ceux des étudiants (il)lettrés qui fument à ses pieds qu’il n’a même plus. Il n’est plus qu’un buste, surmonté d’une tête que les potaches des manifestations de mars 2006 avaient coiffé d’une carotte de signalisation. Ca nous avait encore bien fait rire, cette histoire, mais à ses dépens.

Les jours durant, les mois durant, les années durant, il supporte les vagues bariolées des étudiants, sac à dos east-pack sur les épaules, oreillettes dans les feuilles, fripes indiennes « made in china » sur le dos. Ces mêmes qui, à son époque, bien qu’accoutrés différemment, lui plaquaient le surnom de Sganarelle . Pour son côté bouffon ou pour le peu d’intérêt qu’il portait à sa conjointe, qui sait, on s’en fout. Qu’irait-on encore charger un si lourd curriculum vitae ?

Il a sombré dans une sordide dépression qui jamais ne guérit. Il échoua dans sa tentative de suicide. La femme qu’il aimait, jamais ne répondit à ses attentes. Elle mourut. Sa conjointe, ex prostituée, qu’il avait tirée de la rue, le quitta. Il fut démis de ses fonctions. Il ne vit (presque) jamais son fils.

Le plus beau dans cette vie de merde (restons dans le champ lexical de la matière organique), ce sont les théories qui fleurirent de ce terreau d’immondices : celles du positivisme . Aucun rapport avec l’optimisme, certes. Mais permettez-moi d’y voir au moins un joli bras d’honneur à toute cette sombre vie. Il faut positiver, Auguste !

30/01/2007

Le Volcan de Monsouris

Par Mister de Paris

Sur les hauteurs calmes du Parc Monsouris dort un volcan, depuis 73 ans. Selon les indications du Bureau Central Sismologique Français et du fantôme d’Haroun Tazieff, il n’y a que très peu de chance pour que celui-ci se réveille (Le volcan, Garouk (*) aussi, ce qui est fort triste d’ailleurs tant j’aimais ce tutoyeur de basalt). Pourtant, à cheval sur le XIXème et le XXème siècle, les irruptions du volcan de Monsouris rythmèrent pendant des décennies les promenades des parisiens, le quotidien des jardiniers, celui des hirondelles, les jeux des gamins endimanchés, ou encore ceux des amoureux. Il était tellement dans le paysage du Parc, qu’éteint, nul n’y prêtait attention. Mais lorsqu’il lui prenait l’envie d’éructer et que du cratère jaillissait une puissante vapeur blanche, alors là, croyez-moi, on le regardait le volcan de Monsouris. Le poilu en permission serrait un peu plus sa douce, l’enfant sensible courait vers les robes de sa mère, l’oncle de province, interdit, remontait en arrière son chapeau d’un doigt dubitatif…

Le cratère est toujours là, oublié, muet, mangé au lierre, grillagé, depuis 1934, date de la fermeture officielle du premier périph’ de Paris, la petite ceinture et ses tronçons souterrains qui ne connut que le ferroviaire à vapeur. Le volcan, simple cheminée d’évacuation des fumées des locos, non loin de feu la gare du Parc Monsouris. L’explication est moins romantique mais si empreinte de progrès… Haroun Tazieff me souffle, en roulant bien les « r » : Te rends-tu compte, Mister de Paris, s’il y avait un vrai volcan sous la capitale ? Si Monsouris était Montserrat ?

(*) Garouk était le surnom de Tazieff dans l’intimité.

29/01/2007

En 2cv dans Paris

Par Mister de Paris et Miss Terre de Paris

4 roues sous un parapluie

tel : 0 800 800 631 (n°vert)

Ballades en 2cv dans Paris

26/01/2007

Sarah

Par Mister de Paris

Sous le Pont Mirabeau coule la Seine et nos amours… Certes Apollinaire, certes, mais elle coule aussi sous d’autres ponts. Le Pont-au-Change par exemple, elle y passe aussi. Certes il est moins joli que mon préféré, le Pont-Marie, mais remplit convenablement sa fonction de lien entre l’Ile de la Cité et la rive droite de la Seine. Et rive droite, que trouve-t-on ? La Place du Châtelet flanquée de ses théâtres jumeaux : Celui de la Ville et celui du Châtelet. Ils datent des années 1860 et signent la volonté du Baron Haussmann de mettre un peu de culture dans l’architecture un chouya martiale qu’il nous a laissé. Sarah Bernhardt, hante encore les coulisses et les loges du Théâtre du Châtelet. Elle est là, la Divine. Elle est là, mais pas pour ses immenses talents de comédienne. Elle est là parce qu’en 1871, elle y créa, à 26 ans, une ambulance, pour secourir les parisiens blessés, ceux de la Commune. Un hôpital dans un théâtre et la Voix d’Or qui joue Florence Nightingale. Sacrée Sarah. Quand on lui coupa une jambe (pour raison médicale, je vous rassure), à 70 ans passés, elle continuait à jouer. Assise. Ecoutez-là : Sous le Pont Mirabeau, coule la Seine et nos amours, faut-il qu’ils s’en souviennent, la joie venait toujours après la peine

25/01/2007

Une douce musique sur le palais

Par Miss Terre de Paris

Les plus grands compositeurs n’ont jamais rien écrit pour elle. Mais si Mozart, Beethoven, Dvorak, Tchaïkovsky et tous les autres avaient porté à leurs bouches une flûte Gana, elle leur aurait inspiré les plus magnifiques airs dont la terre n’ait jamais résonné.

Pour la trouver, cette flûte, inutile de vous rendre chez Paul Beuscher. Rendez-vous au 226, rue des Pyrénées dans le 20ème arrondissement. La chaleur des fours et la bonne odeur du pain vous accueilleront de 7h30 à 20h. Pain frais, toute la journée ! Enfin, façon de parler. Il atterrira toujours chaud dans votre panier.

La flûte Gana, c’est pour moi une vieille histoire. J’avais découvert cette étrange baguette dans une boulangerie de province, pendant les week-ends familiaux. Aller chercher le pain n’était plus une corvée, et de la flûte, il ne restait qu’un flûtiot au moment de passer à table. Grande fut donc l’émotion quand je serrai la main de M. Bernard Ganachaud, l’inventeur du petit délice doré, entièrement façonné à la main.

Au pays du soleil… levain

Cap sur le Japon. Bernard Ganachaud y enseigne un temps les techniques de fabrication du pain à la française. Mais ce sera sans la farine de nos moulins, interdite à l’importation sur l’île. Bernard Ganachaud doit donc composer avec les moyens du bord, et cherche minutieusement à recréer les farines françaises avec celles du Japon. De ses travaux sur les farines, il en retirera les connaissances nécessaires pour créer sa recette : la Gana est née.

La Gana, c’est aussi une histoire de famille, une institution de père… en filles : Valérie, Isabelle et Marianne, par ordre croissant. Pour perpétuer la recette de la Gana, elles ont lâché leurs métiers pour replonger les mains dans la farine. Depuis, la boutique ne désemplit pas.

Ravie, émue, je suis repartie avec une Gana (évidemment) sous le bras et en prime, une galette des rois. Le plus important : j’ai eu la fève, (fort originale d’ailleurs). Ils sont forts, ces Ganachaud…

24/01/2007

Egout d’Enfer

Par Mister de Paris

Sous l’hôpital Baudelocque est un égout, un vieil égout du XVIIème siècle qui ne draine plus grand-chose, est presque sec, ne sert plus à rien, sera détruit, bientôt ; le permis de démolition a paraît-il déjà été signé. Ainsi va la vie des vieux égouts. Ca pue, oui, l’air y est moite et empesé et quelques champignons de Paris, il y en a des sauvages, blanchissent du chapeau, en silence, comme ça, à l’abri, juste pour dire qu’ils sont en vie. Cent mètres de patauge rectiligne dans une gadoue qu’il est préférable de ne pas analyser et voilà le croisement orthogonal avec le fier collecteur « moderne » du boulevard du Montparnasse. Voici, le pourquoi de cette déambulation nauséeuse : une simple plaque de faïence cachée derrière un tuyau pourri sur laquelle on lit Rue d’Enfer. Le lieu s’y prête. Photo prise et flash incongru, et la voûte se déplace sournoise, comme un seul homme. Quatre bons mètres carrés de blattes serrées se jouent la cavale grégaire. Pas le temps de faire une métaphore, genre ces blattes sont grosses comme des dattes, des deglet nour, bien grasses. Il est temps de rentrer sans se faire prier, de laisser la plaque antérieure à 1879, se faire voler ou disparaître à jamais, d’oublier les grouillants Cerbères caramels et luisants. Rue d’Enfer…. Rien avoir avec l’Enfer, juste une corruption de la vieille voie romaine, Via Inferior. Dommage. Ce mystère là s’arrête au dégoût, le vieux dégoût, sous l’hôpital Baudelocque dans le 14ème arrondissement.

23/01/2007

Vu(e) sur place

Par Miss Terre de Paris

On m’a toujours répété que l’endroit le plus cher de Paris en termes d’immobilier, c’était bien la place Dauphine, cette petite place en chapeau d’évêque, qui doit son nom au fiston de Henry IV, le futur Louis XIII. D’autant que des transactions immobilières, place Dauphine, il ne doit y en avoir que 5 fois le siècle. Autant dire que la perspective de passer une nuit au cul du palais de justice s’en retrouve quelque peu compromise.

Qu’importe. Mettez-moi au défi. Parions un magnum de champagne que je ronfle et bave sur l’oreiller à l’endroit le plus cher de Paris : je me languis de sentir les bulles éclater sur le sommet de mon palais.

Hôtel Henry IV

25, place Dauphine

75001 Paris

Tel : 01 43 54 44 53

(garanti moins cher que l’hôtel Ibis)

21/01/2007

Apaches de Craonne

Par Mister de Paris

Il y en avait pour sûr des Apaches au Chemin des Dames , des Mohicans de Paris, des gars de Charonne et de Belleville, des porteurs de casquettes, avec au choix et selon les clans, la Deffe, la Grivel ou la Panet. Il y en avait dans la boue des tranchées, gluant au froid, dans la mixture putride de la chair à canon, des titis prompts à sortir le surin ou le revolver. Il y en avait, terrés, ici, dans cette carrière oubliée du Chemin des Dames, non loin de Craonne et de sa chanson . Ils y étaient au repos, les parigots, avec d’autres, avec tant d’autres, avant l’assaut. Sur l’une des parois de craie, parmi la peur au ventre graffitée par les centaines de soldats allemands, français, américains, qui se succédèrent au gré des déplacements de la ligne de front, on découvre « Honneur à la popote » d’un Apache de Paris. On y voit, à gauche, Amélie Hélie, l’égérie des truands, la rivale d’une autre prostituée, la Panthère. On y voit aussi, à droite, un Titi, Manda ou Leca, ennemis à jamais pour la conquête d’Amélie. Il y a aussi ce cœur qui saigne et ce flingue qui signe. Ici est passé, un Boit sans Soif, un gars de Paname. Combien de truands sont morts au Chemin des Dames ? Combien sont montés à l’assaut le Lebel en main, les molletières pouilleuses et le casque trop lourd ? Parmi eux, étaient quelques Apaches. Ils y sont morts au champ d’honneur comme la Belle Epoque qui fit leur légende. A Paris, les monuments aux (truands) morts se coiffent, en secret, d’un casque d’or, c’est bien connu.

19/01/2007

Les fleurs poussent aussi dans les boulons

Par Miss Terre de Paris

En passant à travers les allées du marché aux fleurs, sur l’île de la cité, j’avise un étalage haut en couleurs. Il y a de magnifiques citronniers qui fruitent en jaune citron de circonstance, et d’autres agrumes dont j’ignore la qualité. De derrière les arbustes, j’entends résonner la voix chantante d’un accent du sud. Cette voix et cet accent appartiennent à M. Stéphane. Inutile de lui demander son nom, ou son prénom, il ne s’appelle que Stéphane. « Pourquoi ajouter un nom en plus ?» De ses mains qui gigotent sans cesse dans les airs, comme des ailes d’oiseaux mouche, il m’indique des petits fruits ovales. « Ca, c’est des kumquats ». J’ai appris quelque chose.

Admirative, je dégaine l’appareil photo. Commence alors une course poursuite à travers les iris et les jacinthes. « C’est qu’elle est embêtante celle-là », bougonne M. Stéphane qui en profite pour prendre la pose. « Mais vous, vous êtes polie. Ce n’est pas comme ces photographes qui prennent leurs mannequins dans mes allées sans me demander la permission. Ceux-là, je les chasse illico ! ».

En regardant la boutique de M. Stéphane, on ne voit pas le rapport qu’il peut y avoir entre un boulon et une fleur. D’ailleurs, on se demande bien pourquoi on devrait y voir un rapport. Tout simplement parce qu’un matin de 1976, M. Stéphane a troqué son bleu de travail pour… un autre bleu de travail. Mais le cambouis a laissé place aux tâches de terre. Adieu les usines Citroën. « Après tout, j’étais bien paysan avant. » Mais combien de métiers a-t-il bien pu faire ? « Mais oui, m’assure-t-il, j’étais paysan. Je suis né à la campagne. Mais loin d’ici. A 3000kms. » Je dresse une liste : Italie ? « Non. » Espagne ? « Non. » Belgique ? « Non. » Grèce ? « Oui ! ».

Alors que je repars, un jeune homme salue M. Stéphane d’un aimable « caliméra ! ». Effectivement.

Stéphane - Plantes vertes et fleuries
Marché aux fleurs Paris 4
Cité Stand n°33
Tel : 01 43 29 30 61

18/01/2007

Frustrum

Par Mister de Paris

Dans sa bruinasse de janvier, le boulevard Raspail est à pleurer. Belle occasion de s’y arrêter, au 261, pour être précis.

Sic transit gloria Mundi… Jugez plutôt : il y a un aigle, prisonnier d’un pylône électrique qui bat des ailes au-dessus d’une mare de pétrole sur laquelle émerge un lingot d’or, le tout dans un bruit infernal de claquements haute tension, c’est pas du Pierre Perret, mais du Gary Hill, un artiste made in USA, qui fait dans le monumental.

C’est à la Fondation Cartier, jusqu’au 4 février. Frustrum (le nom de l’oeuvre), est assez rigolo, cinq minutes (je plains les l’hôtesses supportant à longueur de journée, l’infernal boucan du rapace impuissant dont l’air con est très bien imité). Remplaçons aigle par faucon. Qu’observons-nous ? : Bush en prédateur de pétrole irakien encarcané dans un pylône électrique parce que l’ère de l’huile de pierre s’achève, que la croisade est perdue, que le climat se réchauffe, que l’électricité, nucléaire ou solaire vaincra … Oui je sais, je ne suis point grand amateur d’art moderne mais voilà ce que m’inspire cette vidéasterie. Un plaidoyer de Démocrate, un bon point pour Al Gore, un moindre mal.

17/01/2007

Consigne


Par Miss Terre de Paris

Consigne d'un lapin




16/01/2007

Saint-Sulpice, 17 janvier…

Par Mister de Paris

Le Da Vinci Code est un peu passé de mode, usé jusqu’à la corde et c’est tant mieux. Le roman lessive de Dan Brown suivi de son adaptation cinématographique (où je n’ai jamais vu autant de comédiens s’ennuyer), s’en est allé. Et c’est vraiment tant mieux. Les délires, eux, perdurent. Depuis l’abbé Saunière, depuis Rennes-le-Château et son fumeux trésor audois, depuis les parchemins bricolés de toutes pièces dans les années 60 pour servir la cause paranoïaque de quelques allumés nazillons comme Pierre Plantard (dernier patron « connu » du Prieuré de Sion et descendant direct de la race mérovingienne !), depuis Otto Rahn, aussi, médecin du IIIème Reich, envoyé par le Führer en pays cathare en 1937 pour « prouver » une filiation spirituelle entre nazisme et manichéisme des chrétiens primitifs. Le livre de Rahn «Croisade contre le Graal » est toujours en vente en librairie (sans avertissement aucun de l’éditeur sur l’intention de l’auteur) et reste le best seller de tous les hystéros ésotériques nourri au sein de la légende de Parcifal.

Et au milieu de tout ça ? Saint Sulpice, l’église, le nœud du mystère, comme nous l’a fort lourdement expliqué Dan Brown : le gnomon symbolisant le méridien de Paris qui à un poil près passe aussi par Rennes-Le-Château… Aujourd’hui, 17 janvier, solstice d’hiver, quelques inquiets iront déambuler comme chaque année dans l’église. Pourvu qu’il fasse beau et que le soleil puisse vitrailler de tâches de couleur quelques mystérieuses statues. Amis, je vous préviens, moi aussi, je m’y suis mis, moi aussi je participe désormais à la recherche du Graal ; dans Paris, c’est pratique.

Ma première trouvaille, je vous la livre, elle est de taille, évidente comme un Da Vinci Code planté au milieu d’une tête de gondole : l’église Saint-Sulpice se trouve à deux pas de la rue de… Rennes ! Si c’est pas un signe, ça ? Et alors, qu’est ce qu’il fait marrer les bretons de Montparnasse !

15/01/2007

Une môme est née

Par Miss Terre de Paris

Ils rigoleraient bien, les gosses des cités, si je leur parlais d’accordéon. Pour les enfants perdus, la seule mère, c’est la rue. C’est la berceuse aux yeux plissés et à la grimace rageuse de la rappeuse Keny Arkana qui le dit. Pourtant, tous les mômes allaités au biberon-béton ont une grand-mère. Et si leur mère c’est la rue, c’est aussi la rue qui a donné le jour à leur mamie.

La môme, petit oiseau tombé du nid sur le trottoir du 72 de la rue de Belleville. Petit piaf qui à force de piailler, a rendu célèbre sa voix nasillarde, filtrée par les enregistrements d’époque. Les mômes d’aujourd’hui ignorent sans doute tout ce que la môme d’hier a pu endurer. Celle qui chantait comme un moineau s’est brûlée les ailes le jour où les ailes d’un avion ne surent pas porter un certain Marcel Cerdan . C’est qu’on a tort d’essayer de retenir ses milords quand on s’appelle Édith Giovanna Gassion.

Quatre-vingt-douze ans après, Edith Piaf n’a toujours pas quitté le village de Belleville. Là, à cet endroit où elle a poussé ses premiers cris. Là où l’on aperçoit la tour Eiffel encadrée par les immeubles qui s’accrochent de toutes leurs pierres aux flans de la colline. C’est une parisienne du nord, une vraie. C’est peut-être pour cela que, longtemps, j’ai naïvement cru qu’elle chantait, « Paname , paname, paname… des veux-tu en voilà, par paquet. Et tout ça pour tomber juste au coin d’la rue… »

13/01/2007

La France Renaissante

Par Miss Terre de Paris

Les statues ont-elles une âme ? Nul ne sait. Toujours est-il qu’elles ont des yeux, et que si leurs bouches n’étaient ni de pierre, ni de bronze ou ni de marbre, elles nous raconteraient ce qu’elles regardent. Ma foi, elles n’auraient que cela à faire. Hélas, quelles qu’elles soient, toutes les statues restent de marbre.

Pétaradant du solex sur le pont Bir-Hakeim, j’avise une sorte de cavalier à coudière de rollers, juché en équilibre précaire sur un cheval au cou incroyablement allongé, et l’épée étrangement gondolée. L’allégorie me souffle que je dois y voir l’hexagone requinqué, autrement dit, la France Renaissante .

Voilà soixante-dix-sept ans que la France s’extirpe à nouveau du ventre de sa mère, figée dans son bronze verdi aux coulures blanchâtres. Elle a dû en voir de ces choses. Je l’interroge du regard. « C’est parce que vous avez essayé de raboter la tour Eiffel que votre épée est si tordue ? » Visiblement, La France peine à pousser son premier cri. Le silence me gifle insolemment le visage. Je me place dans l’axe de la statue de Wederkinch et ferme un œil. Puisqu’elle ne veut pas m’avouer ce qu’elle fixe depuis tant de temps, je vérifierai par moi-même. Dans le prolongement du glaive tordu, j’aperçois qui chatouille les nuages gris de la capitale, le clocher de l’église américaine.

« C’était donc ça ! La France renaissante qui lorgne vers l’Amérique ! » Un coq dans la poitrine, j’inspire un grand coup d’air-Co2, la fièvre patriotique au 40°C sous le front. J’enfourche la pétrolette made in France et tourne le dos à l’amnésique de Bir-Hakeim .

Ce soir, je m’engouffrerai un jambon-croissant-beurre.

Ci gît Philibert Aspairt…

Par Mister de Paris

Pauvre Philibert, mais que diable allait-il faire dans cette carrière ?… Un jour de 1804, un ouvrier d’une brigade topographique retrouve, là, tout mort, tout prostré, tout en chien de fusil, tout en os et vêtements rongés, ce pauvre Philibert. Sa ceinture de cuir et son trousseau de clés permettent rapidement de l’identifier.

Pauvre Philibert Aspairt, mais que diable allait-il faire dans cette carrière ? Porté disparu en 1794, sous la Terreur, le voici, onze ans plus tard fasseyant à la flamme d’un ouvrier effrayé. Philibert Aspairt, portier de son état, portier du Val de Grâce, s’il vous plaît ! Quelle mouche l’a t-elle piquée, pour se risquer ainsi, au bas de cet escalier du XVIIème menant aux souterrains, à la seule lumière économe d’une torche? Quelle folie l’a t’elle convaincue de s’aventurer plus loin dans le dédale des galeries minant le sous sol du couvent des Chartreux ?

L’appât du gain ? Il est vrai que sous la Terreur, quelques pillards et malandrins erraient sous Paris en quête de trésor d’église à prendre par la racine. L’appât du vin ? Peut-être tant il est vrai que celui des Chartreux n’était pas parmi les plus mauvais. On ne saura jamais.

Mais ce que l’on peut imaginer c’est la fin de ce pauvre Philibert, lente, effrayante, inéluctable. La torche qui s’éteint, les tâtonnements sur les parois humides, à genoux dans l’argile blanche avec les doigts caressant ce qu’il espère être ses propres pas, ceux de tout à l’heure quand vacillait encore la lumière. Les appels aussi, restant sourds, définitivement sourds aux murs du labyrinthe. Et puis l’attente, l’oreille tendue, la peur aussi, au fil des rats, l’eau que l’on boit en ultime espérance, la faim qui taraude et met en appétit ; les rats. Quelques cris encore, quelques gémissements, quelques jours encore et plus rien. Dans la niche où fut retrouvé Philibert résigné, on a construit un tombeau incongru, massif et lourd. Hommage à cet égaré qui, consciencieux, jamais n’abandonna les clés de son métier…

En tout cas, cher Philibert, parmi les six millions de macchabées que comptent, au bas mot les catacombes de Paris, tu peux te targuer d’être le seul à avoir quelques bougies, parfois allumées aux coins de ton cénotaphe, quelques fleurs en plastique moisies, aussi. Et même les restes rouillés d’une chaise pliante. Celle d’un veilleur de nuit ? Pour toi le portier ?

12/01/2007

Koné et gabriel

Par Mister de Paris

Glace à l’eau… Pas assez froid pour bien glisser sans se mouiller. Gabriel, le gamin, glisse et se mouille. Koné, le secouriste veille sur lui et la Tour Montparnasse, elle, sur la patinoire saisonnière…

10/01/2007

Un zest de limonaire

Par Miss Terre de Paris

Heureusement, dans Paris, il y a des endroits où le temps semble n’être jamais passé. Ou si peu. Il n’a laissé que des fissures dans le ciment et de la peinture écaillée : le reste est épargné. Cité Bergère, près des grands boulevards, le temps n’est pas venu faire escale. Les voyageurs, si. Ils dorment à l’hôtel Mondial et à l’hôtel Victoria. A l’hôtel d’Espagne et à celui du Brésil. Ca ronfle à droite comme à gauche. Les insomniaques, eux, n’ont qu’à baisser les yeux. Mais si, là, devant vous, au rez-de-chaussée. Vous qui restez l’œil ouvert, vous ne voyez donc pas un petit bistrot qui s’appelle Le Limonaire?

L’insomniaque descend les marches de son hôtel, traverse la rue, pousse la porte du bistrot. Tant pis pour lui, il s’est non-endormi trop tard. Il lui faudra rester debout au bar. On lui conseille un ballon de rouge qu’il sirote en contemplant autour de lui l’accordéon pendu au mur, les vinyles, les pales du ventilateur doré, le miroir à ramages blancs. Au milieu de la salle, deux poteaux en fer signent les lieux, encadrent la scène. Une toute petite scène de 4 mètres carrés.

Debout au milieu de la scène, il y a un homme, qui se déshabille, chante, fait rire son public, se rhabille. Le barman lui souffle à l’oreille : « comme on dit chez nous, on n’est pas des vedettes ». Hier, c’était l’accordéon de Marc Perrone , aujourd’hui la guitare de David Lafore. Et demain ? Un illustre peu connu qui gagne à le devenir. L’insomniaque ouvre grand ses yeux, puis ses oreilles, puis sa bouche qui se fend d’un sourire. Le rappel se fait. Les pièces cliquètent dans le haut-de-forme que l’on fait passer de table en table. « Ca vaut bien un ticket de cinéma ! » Mais il n’a que deux euros dans sa poche. Le haut-de-forme passe déjà à la table suivante, mais l’insomniaque retient la manche du quêteur. Au fait, c’est quoi un limonaire ? Non, ce n’est pas un ustensile à fabriquer de la limonade. Mais un instrument de musique . Assurément, le Limonaire-bistrot porte bien son nom.

Le Limonaire, 18 cité Bergère, 75009 Paris.


09/01/2007

Sous terre en Sprague

Par Mister de Paris

Paris, cette nuit, est à nous, pour cinq heures, de l’arrêt à la reprise du service du métro, juste pour nous et nos culs déjà mâchés par les lattes vernies des banquettes du dernier des Sprague voyageur, 76 ans au compteur. Toutes les lignes nous sont ouvertes avec la bénédiction de la RATP. On fonce dans les tunnels, on bat des records de vitesse. Non que le Sprague soit capable de dépasser ses bons vieux 70 kilomètres-heure en pointe, juste qu’on ne s’arrête pas aux stations, qu’on file direct de Porte de la Villette à Place d’Italie, à fond, sans s’arrêter, le pied. Si on trouve plaisir à ce genre d’escapade, que dire des conducteurs et chefs de convoi auxquels nous confions notre nuit, voire notre vie ? Ils jubilent comme des gamins jouant au train électrique. Ils sont tous des anciens de la RATP, on tous démarré leur carrière sur Sprague, sont les derniers à savoir maîtriser, comprendre, sentir, pousser ce vieux yankee de métro made in USA et fruit des travaux du « père de la traction électrique » Frank-Julian Sprague .

Il en a bouffé de la galerie tout au long de ses 52 ans de carrière, Sprague, le ricain ; des centaines de millions de kilomètres de sa naissance en 1931 à sa mise au rancard par la RATP en 1983. Il en a avalé et régurgité du voyageur, du poilu, du prolétaire, de l’étudiant, de l’occupant, du résistant, du zazou, du yéyé, de l’enfant, du vieux, de l’amoureux, du mélancolique, du clodo ; même du riche, oui parfois, assis et discret dans la Première, couleur rouge sang. Il en a fait du chemin, le vieux métro, traversé trois républiques et ce, sans le moindre accroc. Les anciens l’assurent, le certifient, l’affirment : « Ses seuls morts furent les désespérés ». Ceux qui, en tête de station se jetaient parfois contre l’austère cabine de ferraille froide vert olive que rehaussait à peine l’unique fanal rond aux 60 watts économes. Il ne roule aujourd’hui, plus qu’une seule rame voyageur Sprague que l’on bichonne et sort parfois à la nuit pleine pour hanter le réseau déserté.

Certes, une poignée d’autres trains travaillent encore, à 80 ans passés, infatigables bêtes de somme dont le jaune luit en bout de galerie dans le verdâtre des chantiers d’entretien du métropolitain.

08/01/2007

Les enfants de Maxime Du Camp

Mister de Paris, vu par Miss Terre de Paris :

Il connaît l’odeur du bitume, aux essences de gasoil. Il en connaît le toucher, légèrement rugueux sous la toile de son jean. Monté sur huit roulettes, il slalome entre les caddies et les poussettes, renifle les cheveux des unes et tire la langue aux autres. Les trottoirs, les routes, les caniveaux, les portes cochères : tout Paris aura bientôt tâté de la gomme de ses rollers. Même le porcelainier, à son grand dam. Les vieilles le menacent de leurs cannes tremblantes « mais après quoi court-il donc, ce maudit casse-cou ?! ». Après les ombres de la ville lumière, voilà ce qu’il leur crie. L’éclair de son flash éblouit encore les cataractes que Mister de Paris tourne déjà au coin de la rue. Dans son croque-note, une nouvelle histoire vient de naître.

Miss Terre de Paris vue par Mister de Paris :

Paris la travaille même les jours de repos, la prend aux tripes et parfois même sous la petite ceinture. Elle aime son Paris, comme un gros pari, de ceux que l’on fait sur la vie. La vie parisienne n’est pas sa vie, mais la vie à Paris, oui. Elle solex dans l’intra muros, à la recherche de p’tits bouts de Paris, de suppléments de Paname, de ceux, si dérisoires, qu’ils ne savent accrocher ni le parisien blasé, ni le touriste empanurgé. La Tour Eiffel est si haute et les catacombes si encombrées… Et pourtant, il s’en passe des choses dans Paris, dessus, dessous, sur les côtés. Et là, où il s’en passe, soyez sûr qu’elle y passe… Pour vous le raconter.

Certes leurs pseudos sont un clin d’œil à Eugène Sue. Les Mystères de Paris. Certes. Mais c’est bien de Maxime Du Camp dont ils se sentent les enfants. Du Camp, le journaliste entomologiste de Paname dont la postérité ne retint que son ami, son trop grand ami, Gustave Flaubert. Alors tels des Tintin travaillant pour le Petit XXIème, Miss Terre de Paris et Mister de Paris courent, elle en Solex, lui en rollers. Revoir Paris ! Le croquer, le noter, le filmer, le podcaster, là est leur pied avec pour folle ambition : construire au jour le jour un hommage à l’œuvre oubliée de ce vieux Ducamp « Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie ».