18/03/2007

Membre de l’Internationale

Par Mister de Paris

Yvan Salmon est mort ici, dans cette pharmacie au 52 de la rue d’Auteuil. Fait divers parmi d’autres sauf que celui-ci remonte au 10 janvier 1870. Le journaliste de La Marseillaise, alors âgé de 22 ans vient d’être abattu par l’agité cousin de Napoléon III, Pierre Bonaparte . Cela s’est passé en face, au 59, dans l’hôtel particulier Helvétius (*).

Salmon était venu, non pour une interview, mais pour régler les préparatifs du duel devant opposer, pour diffamation, son rédacteur en chef, Paschal-Grousset, très actif militant de l’Internationale socialiste, au membre de la famille impériale.
Salmon mort, c’est sous son pseudonyme de rédacteur qu’il passe à la postérité : Victor Noir. A ce Noir là, il faut du rouge. Parmi les 100 000 personnes qui manifestent lors de ses funérailles,
se trouve justement la Vierge Rouge, Louise Michel. Le peuple exige qu’il soit enterré à Paris, mais le gouvernement craint, à juste titre, l’insurrection. Il ordonne l’inhumation au cimetière de Neuilly sur Seine. Peine perdue, la Commune de Paris est en marche, emmenée par Varlin, Vallès, Rochefort. Elle s’achèvera l’année suivante pour le temps des cerises.

Au fol espoir des communards survient leur massacre, en mai 1871. Thiers ne fait pas de quartier, c’est bien connu. La parenthèse rouge, entre Empire défait par les prussiens et IIIème République balbutiante, n’aura duré que quelques mois. Vingt ans après le massacre de la Commune, l’ange Noir est ramené de Neuilly au Père Lachaise. Pour l’occasion, Jules Dalou se fend d’une impressionnante sculpture tombale, conçue comme un instantané photographique censée saisir le dernier souffle du jeune homme. Oui, je sais, tout ceci est de la petite histoire, le plus important, me direz-vous, est bien évidemment la solide membrure de l’entrejambe de Noir que toute femme en quête de fécondité se doit de caresser. Bien étrange paganisme que voilà. Fantaisie provocante de Dalou, ancien élève de Carpeau et de Rodin, qui sut efficacement consolider le souvenir de Victor Noir à défaut d’en rappeler la véritable histoire. Il protubère là depuis 116 ans. Priapisme de bronze résolument révolutionnaire. Si, si regardez, c’est évident, Victor Noir porte à gauche. Sacré Dalou , vieux communard !

(*) Il ne reste rien de la résidence de Pierre Bonaparte, incendiée en 1871 par les communards. Enfin, presque rien, juste un vilain immeuble moderne.

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